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Adieux. Disparition d’Eduardo Lourenço, penseur majeur de l’identité portugaise

Un jour de deuil national est décrété ce mercredi au Portugal en hommage au philosophe et essayiste, décédé mardi 1er décembre à l’âge de 97 ans à Lisbonne. Toute la presse salue, à l’instar du journal i, “l’intellectuel qui a déchiffré l’énigme portugaise”.



“L’ironie du destin – cette chose si portugaise – a voulu qu’Eduardo Lourenço meure le jour férié où l’on célébrait la restauration de l’indépendance du Portugal, ce petit bout d’Europe occidentale dont il a su parler si pertinemment.” C’est ainsi que s’ouvre ce mercredi l’éditorial du Correio da Manhã, qui déplore dès son titre un “Portugal plus pauvre” depuis la disparition, mardi 1er décembre à Lisbonne, de l’intellectuel de 97 ans.


Toute la presse du pays rivalise ce matin de tristesse et de reconnaissance pour évoquer la mort de celui qui était considéré comme un penseur majeur de l’identité portugaise. Philosophe, essayiste, critique littéraire, grand spécialiste de l’œuvre de Fernando Pessoa notamment, Eduardo Lourenço avait publié de nombreux ouvrages sur la culture et l’âme portugaises. On lui doit notamment une Mythologie de la saudade (éd. Chandeigne).


Un héritage aussi français

En hommage à ce professeur émérite, qui a enseigné à l’université de Nice de 1960 à 1989, le président Marcelo Rebelo de Sousa a décrété ce mercredi un jour de deuil national au Portugal. Pour le chef d’État, Lourenço était, après avoir vécu des décennies en France, “structurellement francophile”, rapporte Expresso :

"Parmi les ‘estrangeirados’ [intellectuels portugais qui promouvaient la culture française, particulièrement au XVIIIe siècle] dont il était, rares sont ceux qui auront été si obsédés par les questions portugaises, par la culture, l’identité et la mythologie portugaises.”


Marié à la Française Annie Salomon, hispaniste de renom disparue en 2013, Lourenço avait été décoré chevalier de l’ordre des Arts et des lettres en 2000 et avait obtenu la Légion d’honneur en 2002. Dans son pays, le natif du village de São Pedro de Rio Seco, entre Guarda et la frontière espagnole, le géant de la pensée portugaise avait reçu en 1996 le prix Camões, la plus haute récompense attribuée à des écrivains de langue portugaise. Lourenço était par ailleurs membre du conseil d´administration de la Fondation Gulbenkian et du Conseil d’État portugais.


“Un Portugais de génie”

Dans son éditorial, le quotidien Público dit à son tour “adieu à un Portugais de génie” :

"Au-delà de nous avoir aidé à lire [Fernando] Pessoa ou à comprendre Antero [de Quental], Eduardo Lourenço nous laisse surtout une œuvre et une vision qui nous permettent de lire et comprendre notre pays en tant qu’idée, projet et destin.”


À sa une, le journal i déplore la perte d’un intellectuel qui a su “déchiffrer l’énigme portugaise”. “Comme l’explique [l’écrivain] Onésimo Teotónio Almeida, lit-on en manchette, Lourenço n’a rien fait d’autre qu’écrire les pages d’un seul et même livre. Un livre où il abolissait les frontières ‘entre la création littéraire et critique, entre la philosophie et la poésie’.”


Dans les colonnes du Diário de Notícias, Ana Paula Laborinho, qui dirige au Portugal l’Organisation des États ibéro-américains, déplore une disparition “qui nous laisse orphelins”. L’universitaire rend grâce à “la complexe simplicité du discours de Lourenço” :

"Toute sa vie, il aura pensé le Portugal et nous aura plongés dans les entrailles fantasmatiques d’un peuple et d’un pays aux frontières anciennes, dont la forte identité est affligée par un tourment permanent.”


Vincent Barros

 

Fonte: Courrier international. «Adieux. Disparition d’Eduardo Lourenço, penseur majeur de l’identité portugaise», 2 de Dezembro de 2020. https://www.courrierinternational.com/revue-de-presse/adieux-disparition-deduardo-lourenco-penseur-majeur-de-lidentite-portugaise.

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